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Interview exclusive de Nielsen Mobile

Le mobile, nouvel évangile des marques américaines ?

mars 2008

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Vice-président du département média mobile de Nielsen Mobile, Kanishka Agarwal accompagne les marques vers l'utilisation optimale du téléphone mobile. "Son potentiel est énorme, à condition d'offrir des services pertinents", nous dit-il en exclusivité. Visite au pays où le mobile-roi, c'est demain...

Quelle perception avez-vous du marketing mobile aux Etats-Unis ?

Le potentiel du marketing mobile est énorme. Le mobile est interactif, personnel, ciblé et allumé en permanence - à terme, nous estimons qu'il pourrait un jour attirer plus d'investissements publicitaires qu'Internet. Il n'y a pas d'autre écran que l'on transporte 24 heures sur 24 sur soi. Le mobile nous accompagne même plus que nos vêtements ! Pour révéler tout le potentiel de ce média, aller bien au-delà de l'expérimentation et convaincre les annonceurs d'y consacrer un budget, il faut des mesures d'audience simples, familières et quantitatives dans lesquelles les annonceurs puissent avoir confiance. C'est justement pour cela que nous nous consacrons à produire des mesures du média mobile aussi claires que celles que nous produisons pour la télé et le PC.

Peut-il, pour autant, être le canal seul d'une action ?

L'utilisation du mobile pour faire de la publicité est optimisée quand le mobile fonctionne comme l'extension d'autres médias, avec lesquels il permet de dialoguer de faç instantanée. Une marque peut par exemple utiliser le mobile pour augmenter ses interactions avec un consommateur la connaissant déjà, via des annonces télé, presse ou Internet. Ce n'est pas UN média, mais plusieurs réunis dans un seul terminal : le SMS, Internet, la vidéo, les jeux, la musique (avec les ringtones) et les applications. Et chacun attire des populations distinctes. Nos études montrent, par exemple, que les vidéos sont regardées surtout par des membres de minorités ethniques, les jeux pratiqués par les femmes, Internet consulté par les hommes, etc. Cette richesse est la clé pour comprendre comment intégrer le mobile dans un mix. Prenons un fabricant de soda, qui, pour renforcer ses liens avec les clients, voudrait leur donner les résultats sportifs à la fin des matchs : il amorcera le dialogue en apposant sur une affiche un numéro court ("short code") ; le consommateur y envoie un SMS pour obtenir les résultats - mais la marque peut aller plus loin et créer un site Internet dédié et ensuite un site pour mobinautes, afin qu'ils puissent suivre les résultats de leurs équipes préférées, où qu'ils soient, quelque soit le moment.

Où en sont vos marques dans la découverte de ces opportunités ?

Le potentiel du marketing mobile est immense mais la publicité mobile aux Etats-Unis n'en est qu'à ses débuts. Il s'agit encore d'une phase d'expérimentation. Aujourd'hui, Nielsen estime que deux de ses usages ont atteint la masse critique : Internet mobile (35 millions d'Américains surfant en situation de mobilité tous les mois), et les numéros courts par SMS (plus de 150 millions d'Américains utilisant des services SMS par mois). Le troisième usage en devenir est la vidéo mobile. Tout le monde a grandi avec des publicités sur sa télé au salon - il n'y a pas de raison pour que ce modèle ne soit pas repris sur le mobile. Mais à une condition : les audiences de vidéo mobile doivent, elles aussi, atteindre une masse critique pour que les dépenses publicitaires en valent le coup.

Quelles marques ont utilisé le mobile le plus finement dans des actions ?

Des grandes marques de sodas, bières, cosmétiques, voitures et de fast food l'ont investi, certaines avec conviction, d'autres avec prudence. Je vous donne un exemple de réussite : le lancement de la chanson "Hung Up" de Madonna. Avant la sortie sur CD ou à la radio, la maison de disques a lancé le refrain sous forme de ringtone en exclusivité sur le mobile. Il n'y avait qu'en téléchargeant l'extrait qu'on accédait en avant-première aux notes de la chanson. Ca a créé beaucoup de buzz et une énorme demande pour la chanson dans son intégralité, une fois sortie.

Quelle est votre avis sur la réceptivité du consommateur à l'égard de ces initiatives ?

Tout dépend de la qualité des offres : l'individu réagit comme pour les impôts. Spontanément, il estime en payer trop, mais si vous lui dîtes que c'est grâce à ces impôts qu'il a droit à des routes entretenues, des hôpitaux et des bons enseignants, il signe. Il ne s'agit pas de bombarder le consommateur, mais d'adresser des offres pertinentes, utiles et adaptées. Il y aussi une dimension supplémentaire : il ne faut rien lui imposer. Le consommateur doit toujours être en situation de choisir s'il veut profiter de l'offre. Les termes de l'échange doivent être transparents pour le consommateur : par exemple, vous voulez un jeu gratuit ? Ecoutez cette publicité. Vous voulez accéder à une chaîne gratuite ? Elle est financée par la publicité ; ou encore, vous voulez visionner ce film ? Il est gratuit, moyennant une coupure publicitaire, ou coûte 2 dollars.

Cette notion de choix - c'est l'illustration du "permission marketing" ?

Oui. Une marque ne doit entrer en contact qu'avec un consommateur consentant. Le mobile est plus personnel qu'un ordinateur, il reflète votre image, incarne votre intimité : il doit procurer de la richesse, du choix, de la chaleur... Si une marque pense, à un instant, qu'elle construit une action qui ne remplit pas ces conditions, qu'elle arrête tout ! On ne prend pas le risque de déranger un client ou prospect sur un mobile. L'entreprise américaine, Cellfire, par exemple, a créé une application de marketing mobile dans ce sens-là. Elle propose aux mobinautes de télécharger une application gratuite qui leur demande de rentrer le code postal de l'endroit où ils se trouvent à chaque fois l'application démarrée. En échange, ils reçoivent sur le mobile des coupons de réduction valables dans des points de vente proches. Cellfire a bien sûr ses accords avec ces chaînes de magasins, intéressées par ce trafic. Tout le monde est gagnant, et le consommateur a eu, 3 fois, le choix : de télécharger (ou non), d'entrer son code postal (ou non), d'aller dans le magasin - ou pas !