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Ubisoft : "Libérez la parole des jeunes"

Chef de produit Europe chez Ubisoft, l'un des principaux développeurs et éditeurs de jeux vidéo dans le monde, Julien Galou invite à innover dans les stratégies d'achat médias et à développer l'interactivité pour séduire les jeunes, population mouvante qu'il faut savoir écouter et comprendre afin que la marque devienne un partenaire et le consommateur un allié.

mars 2008

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Vous avez lancé, en mars 2008, votre nouveau jeu vidéo "Assassin's Creed". Quelle a été votre stratégie de communication ?

Les 15-34 ans sont notre cœur de cible. Pour les toucher, il faut pouvoir leur faire vivre une réelle expérience avec nos marques. Pour cela, notre stratégie de communication s'appuie sur deux ressorts précis. D'abord l'innovation. Les jeunes sont une population mouvante qui a grandi avec les nouvelles technologies. Ils savent naviguer, trouver les informations, décoder les messages. Il faut donc sortir de l'ordinaire et les surprendre par des expériences inédites en leur proposant du contenu et des formats innovants, tels que les widgets ou les sites web expérientiels. L'interactivité est le deuxième ressort. Si on veut faire vivre une expérience à nos gamers, ils doivent pouvoir réagir. C'est le principe du web 2.0 que nous étendons à nos marques. Nous avons, par exemple, créé un site qui leur permet, de façon personnalisée, de s'immerger dans le jeu pour le découvrir. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur une newsletter et une vidéo pour créer une expérience complète.

Les "jeunes" sont-ils une cible homogène ?

Non ! Avant, nos clients étaient les "gamers" : masculins, plutôt jeunes et hyper-informés. Notre clientèle s'est progressivement diversifiée. Nous avons ainsi développé des jeux pour les petites filles de 8 ans. Résultat, nous segmentons davantage nos achats d'espace, en fonction de l'âge, du sexe et des habitudes de consommation. D'un point de vue comportemental, il est intéressant de noter par exemple la différence entre les 8-9 ans et les 11-12 ans. Les premiers, encore au seuil de l'enfance, apprécient des jeux dérivés de films d'animation alors que leurs aînés, à peine plus âgés, veulent déjà des jeux ancrés dans le réel, plus violents. Une autre différence existe entre les 15-24 ans et les 24-34 ans. Les premiers ont du temps et leur pratique des jeux est massive. Les seconds entrent dans le monde du travail et leur pratique devient sporadique. Ces traits guident nos créations et leurs lancements.

Quel rôle joue Internet dans votre stratégie ?

Un rôle crucial car c'est justement le terrain de toutes les innovations et interactions avec nos consommateurs. C'est une forêt immense à défricher, mais les annonceurs n'ont pas le choix. Les jeunes sont sur le web : ils y partagent leurs passions, leurs projets, etc. Les marques doivent donc y être, même si c'est difficile. Les offres sont pléthoriques. L'attention des internautes est relâchée, beaucoup étant dans le multitasking. Il y a de fortes chances de se tromper. Cela suppose un positionnement réfléchi, une bonne segmentation et un message délivré de façon innovante. Un message "à l'ancienne", comme une bannière, n'est plus adapté. Mais s'engager dans ce "labyrinthe" est indispensable, d'autant que la consommation du web rattrape celle de la télé.

Tout sur Internet ?

Non, les médias se complètent ! Pour construire des expériences avec nos gamers, nous avons besoin de tous les canaux. La situation des revues est délicate : beaucoup d'informations sont sur la Toile et les tirages diminuent. Nous investissons donc moins sur le print. Mais les autres médias on et off line sont nos outils. Chacun remplit, avec un message propre, un objectif qui sert celui des autres. La télé permet, par exemple, de diffuser un message de masse simple et de renvoyer sur le Net pour approfondir. Autre exemple, l'affichage peut permettre, via les shot codes notamment, de télécharger des contenus sur le mobile.

Quelles contraintes le multitasking génère-t-il ?

L'attention portée à chaque espace est diminuée. Les marques doivent encore plus retenir l'attention. Comment ? En amont, nous faisons en sorte que la rencontre de nos produits avec le jeune consommateur soit attendue. Nous organisons, par exemple, des actions pour les réunir, à un temps T, afin de leur présenter notre produit. Notre autre levier : pousser l'information vers leur ordinateur. Sur Internet, ils cherchent, enquêtent, organisent leur propre accès à l'information via des flux RSS et des agrégateurs. A nous de créer les outils adéquats pour s'y trouver et pousser notre contenu multimedia.

Quelle est votre vision du mobile ?

Actuellement, le mobile est plus un complément d'Internet avec des applications locales comme le shot code ou la géo-localisation. Par exemple, nous avons monté une opération avec Micromania pour recevoir, par Wi-Fi ou Bluetooth, du contenu ou une promotion dans une boutique à proximité. Mais le mobile en tant que média de communication n'en est qu'à ses débuts. Avec les nouveaux terminaux et les forfaits illimités permettant de visionner du contenu rapidement et dans une qualité décente, les stratégies de communication vont s'optimiser. La navigation sur le "vrai" web, et pas seulement le Wap, devient progressivement plus facile. Nous avons donc encore besoin d'un peu de temps pour investir sur le mobile.

Selon le Baromètre On-Off-Mobile PagesJaunes/UDA/TNS, 61% des annonceurs voient les consommateurs comme des "adversaires". Qu'en pensez-vous ?

L'achat des jeunes est guidé, en grande partie, par les conseils d'amis. Mais Ubisoft n'a pas peur de ce bouche-à-oreille. Nous connaissons le phénomène, et nos démonstrations de jeux évitent les mauvais "buzz". Par ailleurs, une marque qui se réclame du "2.0" partage l'information et intègre ses consommateurs dans la communication, voire dans la création de produit. Chez Ubisoft, nous créons des forums, nous demandons des avis, nous proposons des activités. Cela "libère" la parole et nous permet de suivre l'état d'esprit de notre clientèle. Les jeunes apprécient parce qu'ils se sentent écoutés. La marque devient partenaire, le consommateur un allié.